lundi 21 mai 2007

Critique "James' Journey to Jerusalem"

James' Journey to Jerusalem
de Ra'anan Alexandrowicz
2004

Paru dans la revue Séquences


À travers la manne de films sur l’immigration et le travail clandestin parvenant jusqu’à nos rivages s’est faufilé le sage James' Journey to Jerusalem, une fable peu nuancée mais sauvée par la prenante interprétation de Siyabonga Melongisi Shibe dans le rôle-titre, celui d’un candide pasteur zoulou en route vers son premier pèlerinage à Jérusalem. Rapidement refoulé à l’aéroport de Tel Aviv, James est obligé de travailler illégalement pour l’entrepreneur juif qui a confisqué son passeport et apprivoise le revers du capitalisme triomphant sur la Terre promise. Petit à petit, il délaisse les citations bibliques et apprend les rudiments des combines locales qui lui permettront de frayer parmi les frayers (perpétuels exploités) de la chaîne alimentaire israélienne.


Si le cinéaste Ra'anan Alexandrowicz est devenu l’un des documentaristes les plus en demande sur le circuit festivalier international avec The Inner Tour (2001) et Martin (1999), jouissant d’une notoriété similaire à celle d’un Rithy Panh ou d’un Eyal Sivan, c’est grâce à un rare talent pour élever le mélodrame humain au niveau de quête révélatrice aux vocations quasi bibliques. Son passage à la fiction témoigne toujours de cet intérêt significatif pour les pieux et les candides aux prises avec un entourage hostile, voire barbare, et du déclin des valeurs sionistes face au capitalisme tiers-mondiste.


Au lieu de s’empêtrer dans le pathos d’une démonstration d’exploitation sordide, Alexandrowicz provoque d’heureuses rencontres entre des personnages à l’antagonisme bien senti tout en osant déléguer à des acteurs palestiniens ses personnages juifs. Ponctué par les motifs rythmiques de David Byrne, le film demeure un rien boiteux, clairsemé d’imprévus et subtil comme un sermon, fidèle à l’étonnant parcours de ce James touchant de bonhomie, héros malgré lui d’un conte cruel où le cœur de ses semblables s’est durci par l’or.


© 2007 Charles-Stéphane Roy