vendredi 1 juin 2007

Rouyn 04: courts métrages

23e Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue
2004
Paru dans la revue Séquences


Survol des courts métrages et rencontre avec Simon Olivier Fecteau


Dès l’arrivée à l’aéroport de Rouyn-Noranda où une légion de bénévoles dévoués attend les premiers invités professionnels, une évidence s’impose : toutes les rumeurs et autres légendes entourant ce festival s’avèrent fondées. Partout, on a la tête et le cœur au cinéma dans ce coin de pays ouvert sur le monde, l’art et les rencontres. Entre deux repas, trois conversations et plusieurs films, toute la région se donne rendez-vous au Théâtre du cuivre pour découvrir une sélection équilibrée de films de qualités, courts ou longs.


Pour la seconde année, le groupe mené par Jacques Matte accueillait dans ses rangs la bande des Racamés qui sévirent au Cabaret de la dernière chance au sein de leur Espace vidéo, série de soirées consacrées aux courts métrages et au houblon. Pour épauler tout ce monde, le festival a invité Michel Coulombe de Silenceoncourt.tv et Danny Lennon de Prends ça court! en plus des producteurs Michèle Bélanger et Marc Bertrand de l’ONF pour présenter le fruit de leurs expertises respectives en matière de fiction, d’expérimental et d’animation aux cinéphiles et aux écoliers de la région.


En sélection officielle, Rouyn continue de gâter son public sans privilégier les longs métrages sur les courts. Et à seulement 10,25$, les spectateurs ont droit à près de quatre heures de cinéma composées habituellement de 4 courts métrages et deux longs… difficile de trouver mieux, ici comme ailleurs au Québec! À la diversité de thématiques, de signatures et de genres, on aurait tout de même souhaité au grand public la présence de contenus peut-être plus loin des habitudes des plus âgés. Seule exception, le long-métrage documentaire Deux mille fois par jour, une co-production de la Chasse-Galerie et de l’ONF, qui fera sans doute la tournée des autres festivals par la portée de son sujet, les reboiseurs québécois.


Parmi les coups de cœur de la sélection « officielle » du Théâtre du Cuivre, on pouvait compter sur plusieurs animations fort abouties, comme Un jour ordinaire pas comme les autres de Frédérick Tremblay, une première œuvre grinçante sur l’effet siphon de la télévision dans l’imaginaire des enfants, et Guard Dog de l’incontournable Bill Plympton, une amusante interprétation “crayola” de la nature des aboiements d’un chien. Du côté de la fiction, le Prix Télébec du court métrage fut judicieusement décerné à 7:35 de la Mañana de l’Espagnol Nacho Vigalondo, déjà couronné à Clermont-Ferrand cette année. Tout un suspense inattendu, alors qu’un quidam oblige les habitués d’un café à chanter et danser sur une complainte composée pour une jolie cliente, objet de désir de cet instigateur le doigt sur la gâchette.


Saluons également Je-Yi-Yang (How to Breathe) autour des doubles sens que nourrit un jeune garçon bien au fait des respirations lancinantes de son oncle et sa tante… enceinte. Chapeau au Coréen Lee Hyung-suk, qui sut ici faire preuve de candeur sans toutefois en abuser. Enfin, du côté d’Espace vidéo, plusieurs films aux idées surprenantes furent présentés, mais c’est Papa d’Émile Proulx-Cloutier qui constitua la plus belle proposition cinéma, avec une judicieuse utilisation de la voix-off et un montage tout en contrepoints chargé d’émotion. Entre deux blagues lo-fi, voilà un film qui aurait amplement mérité une visibilité plus grand public.


Les derniers jours

Le réalisateur de Victoriaville, après la lointaine vidéo Fisher Price et les sketches absurdes du trio Chick’n’Swell, a financé lui-même son premier court métrage de fiction en 35mm, le chaleureux Les derniers jours, présenté en première mondiale lors de la soirée d’ouverture. Habitué à produire, interpréter et réaliser dans des temps record et des conditions financières quasi-inexistantes, Fecteau souhaitait cette fois peaufiner une histoire simple, mais touchante et efficace, celle d’un vieillard décidé à concrétiser des souhaits énoncés plus jeune… au pied de la lettre.


Il explique : « Bien que je ne voulais pas attendre indéfiniment après les subventions, j’ai payé de ma poche la production et quand même pris 3 mois à écrire 8 courtes minutes de film pour que tout soit bon et précis; c’est pas mal de temps mais je voulais que le récit mûrisse. Les sketches en vidéo, ça t’apprend à solutionner tes problèmes rapidement et voir à tous les aspects de la production, mais surtout le sens du rythme et du montage. Après quoi, je voulais passer à autre chose et réaliser ce que j’ai toujours voulu faire : un film sur pellicule, bien cadré et bien photographié avec un plus grand registre d’émotions. Je suis content du résultat et j’espère pouvoir bientôt réaliser un long métrage. »


Si on retrouve effectivement la touche humoristique propre aux Chick’N’Swell, on sent bien le savoir-faire de Fecteau et sa sympathie pour les personnes âgées et solitaires. Pour ceux qui recherchent un humour empathique et intelligent, il sera intéressant de suivre sur grand écran ses prochains films… subventionnés.


© 2007 Charles-Stéphane Roy