vendredi 1 juin 2007

Critique "Guess Who"

Guess Who
de Kevin Rodney Sullivan
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal


MÉSADAPTATION

Toutes couleurs unies dans les quartiers yuppies!


Qui a dit que les films à thèses et leurs remakes n’avaient rien en commun ? Tous deux périment rapidement, bien sûr ! Reste que l’un et l’autre se croisent rarement, et c’est peut-être mieux ainsi. Prenons ce Guess Who, qui n’a conservé de l’original Guess Who’s Coming to Diner ni le ton, ni le discours, et encore moins la portée. Oubliez le brio et la classe du trio Poitier-Hepburn-Tracy, faites abstraction de la poudrière interraciale prévalant en 1967 et éliminez toute trace de tirade égalitariste… ne reste aujourd’hui que bien peu de choses à se mettre sous la dent.


C’était sans compter sur l’irrationnel pari de Kevin Rodney Sullivan, pourtant bien lancé avec How Stella Got Her Groove Back, et de l’humoriste-producteur Bernie Mac (pas vraiment acteur… mais quelle tronche !) à vouloir inverser la situation initiale (un Noir tentait de se faire accepter par les parents de sa fiancée W.A.S.P.) et transformer le tout en véhicule promotionnel pour l’Oedipien Ashton Kutcher, dont la présence se justifie ici strictement par le fait d’avoir survécu à My Boss's Daughter. Mais qui veut vraiment d’un autre White Man's Burden ?


Flairant dès le premier quart d’heure un opportunisme post-Meet the Parents, il reste ensuite amplement de temps pour grimacer devant les maladresses rythmiques et les gags éculés. Reconnaissons quand même à la chose quelques remarques bien placées où il est toutefois plus question d’acceptation intergénérationnelle que de préjugés raciaux. Car si l’original osait accoupler la reconnaissance des différences à une atmosphère divertissante, le remake s’élève rarement au-dessus de la plaisanterie sur les tracas de parents à la recherche du gendre parfait, le modèle pouvant être autant Denzel Washington que Mel Gibson – pourvu qu’il soit viril, sportif et surtout riche… On est plus proche de l’héritage de Bill Cosby que celui de Sidney Poitier ! Incroyable mais vrai : le remake d’un plaidoyer anti-raciste peut être plus sectaire que l’original… On rit jaune.


© 2007 Charles-Stéphane Roy