mercredi 7 janvier 2009

Critique "Burn After Reading"


BURN AFTER READING
de Joel et Ethan Coen
Paru dans la revue Séquences
2008

D’excentrique au goût du jour, le style des frères Coen a été récupéré et même amélioré durant les années 1990 par les indépendants américains, si bien qu’aujourd’hui, on ne s’étonne plus de croiser autant de middlemen aux projets casse-cou dans le cinéma de sous-doués. Les dernières distinctions séparant désormais la démarche du duo de celle de leurs successeurs restent la constance de l’écriture et la déclinaison d’un ton dans des styles traditionnellement inconciliables, du film noir à la comédie cinglée screwball).

Difficile de succéder au sur-Oscarisé No Country for Old Men, si bien qu’on peut voir Burn After Reading comme une (autre) récréation pour le tandem, à classer et à oublier immédiatement avec leurs récents The Ladykillers ou Intolerable Cruelty. Son casting tout étoiles, contrairement à celui réuni pour la franchise des Oceans de Steven Soderbergh, n’arrive pas à faire oublier ici le scénario bâclé et la pauvreté des gags, hommages minceur à ces films des années 1950 dans lesquels tous les personnages étaient atteints d’idiotie aigue.

Son titre même évoque l’époque de la Guerre froide, la paranoïa et l’infiltration du militaire dans nos vies, ce n’est donc pas une coïncidence si on voit l’employée d’un gym se rendre directement à l’ambassade de Russie à Washington lorsqu’elle découvre un CD d’informations confidentielles gravées par la femme adultère d’un employé récemment mis à pied par la CIA. Pour quel motif exerce-t-elle son chantage : pouvoir et fortune ? Les Coen ont opté pour la chirurgie plastique, une de leurs nombreuses trouvailles pour tétaniser davantage leur charabia dramatique.

Insatisfaits d’avoir autant chamboulé leur histoire, les frères ont demandé à leur casting limousine de jouer sans retenue leurs personnages, tous des crétins finis en vadrouille, en venant rapidement à se contenter de leurs tics en lieu d’interprétation. Cette direction discutable fait en sorte qu’on ne se rappellera uniquement de Pitt pour sa houppe et ses danses, Clooney pour sa chaînette dorée, McDormand pour sa coupe au carré et ses pyjamas, etc. Étonnament, la scène la plus efficace se trouve à la toute fin du film, durant un échange confirmant le talent comique inénarrable de J.K. Simmons et l’incapacité des Coen à appliquer la règle première d’une comédie réussie : un timing exemplaire.

© 2008 Charles-Stéphane Roy