de Ben Affleck
2007
Paru dans la revue Séquences
Vedette déchue délaissée par les producteurs, Ben Affleck avait le choix de faire un Nicolas Cage de lui-même et s’empêtrer dans une série de flops ou repenser sa carrière. Scénariste oscarisé pour Good Will Hunting, le wonder kid de Boston est retourné dans son patelin et sa famille pour passer à la réalisation, un choix ravigotant à la lumière de Gone Baby Gone, tiré du roman de Dennis Lehane, scénariste du simiesque Mystic River, avec qui GBG partage le même périmètre, la disparition d’un jeune enfant, des cas d’abus, l’incompréhension du corps policier, et plusieurs souillures viriles.
Casey Affleck et sa bouille d’éternel adolescent était tout indiqués pour prendre les traits de Patrick Kenzie, un privé sous-employé dans la jeune trentaine. Profitant du kidnapping de la fille d’un voisin de Dorchester, un des quartiers les plus malfamés de Boston, Kenzie et sa partenaire Angie offrent avec instance leurs services à la famille élargie de la disparue pour déjouer l’ineptie de la police locale, peu familière avec les relations intestines unissant les petites fratries de la périphérie. En plus des dealers de drogues, des gangs de rue et d’un cercle pédophile, Kenzie doit surtout composer avec la mère de la petite, une junkie instable peu coopérante dont les relations douteuses font rejaillir sur elle de possibles soupçons de complicité.
Le suspense, inévitable, emprunte quelques détours pour bien ménager son mystère, mais Gone Baby Gone, on le découvrira sur le tard, dessine plutôt un terrain presque ésotérique pour un genre avide de coupables : le bien et la morale, même combat ? Cette nuance ombrage chaque lueur de vérité dans l’enquête de Kenzie, qui voit son propre copinage l’inciter à défier les autorités plutôt que d’hériter seul du poids de la justice des autres.
L’éloquence de cette prise de conscience compense pour une réalisation pleine de trous, des performances inconstantes et une répartie par trop lourdement inclusive. Les filles, Amy Ryan et Michelle Monaghan en tête, parviennent enfin à compenser un inexplicable laxisme de direction des acteurs chargés de véhiculer en attitude un monde pourtant dominé manifestement par les rancoeurs masculines.
© 2008 Charles-Stéphane Roy