de John Dahl
2005
Paru dans l’hebdo ICI Montréal
SI L’ENNUI VOUS INTÉRESSE
Un film de guerre sans momentum, ça donne envie de déserter. Surtout lorsque l’armée enrôle des tragédiens et qu’on doive sauver le soldat Joseph Fiennes. Rompez.
Qu’est-ce qui fait un film de guerre réussi ? La stratégie employée ? Le degré de courage et la difficulté des raids ? Les relations entre gradés et légionnaires ? Voir du pays ? Entre patriotisme et exotisme, les missions « vécues » ont le propre de faire véritablement déplacer les foules sur les rivages normands, devant le pont de la rivière Kwaï ou directement aux côtés d’un platoon. Après, il importe peu qu’on travestisse les faits – toutes les libertés sont permises au nom de la démocratie, en autant que l’héroïsme soit au rendez-vous. À cet égard, The Great Raid livre difficilement sa campagne de recrutement.
Avant même l’arrivée du générique, on nous promet la totale, rien de moins que « l’opération de sauvetage la plus spectaculaire de l’histoire militaire », sur fond de tambours et trompettes, d’archives restaurées et d’une narration livrée la gorge nouée. On imagine sans peine les dangers que représenta cette offensive survenue durant les derniers combats de la Seconde guerre mondiale : un bataillon américain de 120 soldats pris d’assaut le camp de détention japonais de Cabanatuan pour libérer 500 prisonniers de guerre (du bon côté, on s’entend). On a pris soin de souligner la contribution de la milice philippine du capitaine Juan Pajota, précieux éclaireur aux connaissances intimes des lieux, et l’apport indirect de l’infirmière Margaret Utinski, une résistante postée à Manille qui acheminait clandestinement de la quinine aux prisonniers.
À partir de "The Great Raid on Cabanatuan: Rescuing the Doomeed Ghosts of Bataan and Corregidor" de William B. Breuer et le "Ghost Soldiers" de Hampton Sides, le réalisateur John Dahl a rempli son devoir sans questionner ses supérieurs à Miramax, ordonnant le report de la sortie du film depuis trois ans suite à une restructuration et des chicanes de parias avec Disney. Peut-être que The Great Raid aurait mieux paru s’il était sorti dans la foulée des Blackhawk Down, Windtalkers et autres bombages de torse yankee lorsque c’en était la mode. Ou peut-être pas.
© 2007 Charles-Stéphane Roy