lundi 8 octobre 2007

Critique "Zidane, un portrait du XXIe siècle"

Zidane, un portrait du XXIe siècle
de Philippe Parreno et Douglas Gordon
2007
Paru dans la revue Séquences


Coller 17 caméras HD durant un match en temps réel sur un seul joueur de soccer, aussi légendaire soit-il, telle est la fausse meilleure idée de l’année au cinéma. Zidane, un portrait du XXIe siècle est moins un documentaire sur le sport qu’une ode au dieu du stade marseillais doublée d’une réflexion grandeur nature du culte de l’image et une formidable pub fleuve pour la marque Siemens, dont la commandite affuble le maillot de la vedette. Le film rejoint avant tout les préoccupations des cinéastes Philippe Parreno et Douglas Gordon sur notre compréhension du montage, et peut-être plus significativement encore, du rôle crucial du son au cinéma.


Pour autant que l’on ne s’attarde peu au résultat de la partie du 23 avril 2005 entre le Real Madrid et Villareal, le film offre une proximité de tous les instants avec Zidane, isolé du reste de ses coéquipiers (dont faisaient partie les tout aussi illustres Ronaldo et David Beckham), comme contrepoids aux retransmissions traditionnelles des événements sportifs. Le premier quart d’heure procure une sensation d’exaltation permanente, alors que le spectateur vit au quart de seconde les revirements successifs de la partie sur les talons de l’étoile française.


Mais plus la projection avance, et plus l’effet s’estompe, alors que surgissent des interrogations sur la pertinence d’un pareil parti pris focal : le fait de séquestrer Zidane hors de son équipe, de la partie et même du stade annule la dimension surhumaine du sport le plus pratiqué sur le globe. Livré à lui-même, mis en boîte dans ses gestes les plus insignifiants, Zidane redevient Zinédine, un pousse-ballon parmi d’autres, possédant certes la carrure de l’emploi, mais dépossédé de son arme préférée : l’effet de surprise, la propension à surgir de nulle part pour prendre à contre-pied ses adversaires.


Malheureusement, les cinéastes n’ont pu bénéficier des systèmes de caméras aériennes de la NFL aux Etats-Unis pour donner véritablement l’impression d’être aux côtés de Zidane sur le terrain, confinant toutes les caméras aux seuls angles latéraux des lignes de côté. Seul canal narratif du film, la musique du groupe Mogwai solennise l’ensemble et redonne à Zidane, expulsé en fin de match, ses airs d’Olympien.


© 2007 Charles-Stéphane Roy