de Patrice Leconte
2007
Paru dans la revue Séquences
Après deux ratages dont un fort lucratif (Dogora et Les bronzés 3), Patrice Leconte revient enfin à la comédie de mœurs, le genre dans lequel il donne manifestement la pleine mesure de son agilité et son humanisme. Mon meilleur ami montre Leconte sous son meilleur jour et pourrait connaître un succès appréciable aux Etats-Unis comme ailleurs hors de France tant sa prémisse canon tend à l’universel.
Les Américains appellent ça un high concept; une idée assez forte pour résumer et soutenir tout un film. Celle de Mon meilleur ami est aussi absurde qu’implacable : un marchand d’art doit se trouver un ami vrai et sincère en 10 jours pour remporter un pari avec sa collègue. Craignant de mourir dans l’anonymat, le marchand tente de s’acoquiner avec un chauffeur de taxi féru de quiz à qui tout sourit, sauf la chance et l’âme sœur. S’aidant mutuellement, le chauffeur et le marchand en viendront à vivre une véritable idylle avant que la réalité ne les rattrape. Une fois guéris leurs orgueils blessés, les deux hommes abordent à nouveau leur amitié sous un sens nouveau, celui de la franchise.
Plus pertinent que subtil, le message de Leconte sur la difficulté de l’amitié entre hommes, hors de toute ambiguïté sexuelle, fait résonner plusieurs cordes sensibles contemporaines : le manque de temps, le désintéressement envers les autres, la difficulté à livrer ses émotions tous sexes confondus et la place de l’amitié dans nos intimités de plus en plus étroites. Sans signer le film de l’année, Leconte retrouve ici le tiercé gagnant de la comédie classique à la française – scénario à la logique éprouvée, comédiens à la hauteur de la situation et filon social en toile de fond. Il fait bon revoir Auteuil tomber dans le pathétique, Boon en faire juste ce qu’il faut – ce qui n’était pas arrivé depuis quelques bobines déjà – et apprécier le savoir-faire de Leconte dans les menus détails de son récit le plus juste depuis Confidences trop intimes.
Reste que la recette commence à ressembler à s’y méprendre à du Francis Veber, autre Français adopté presque inconditionnellement par les Américains, dont les forces sont devenues prévisibles et trop calculées à la longue pour soutenir une filmographie entière.
© 2007 Charles-Stéphane Roy