de Lucas Belvaux
2007
Paru dans la revue Séquences
Dans Cavale, l’un des volets de sa récente trilogie, le Belge Lucas Belvaux incarnait un type traqué, un fugitif fonçant tête première vers son triste destin, sans souci pour ses proches et son milieu. Marc, son personnage dans La raison du plus faible, vient du même moule mais traîne la conscience des conséquences de ses méfaits passés. Voilà la nuance cruciale entre deux films réalisés par un acteur assumé en pleine possession de ses moyens : le lieu qui façonne le citoyen et donne le biberon aux criminels.
Ici, c’est Liège, témoin autrefois d’une scène théâtrale où un malfrat fut abattu par la police après avoir lancé un magot volé du haut d’un immeuble locatif, faisant la joie des passants et le drame d’une famille rongée par le chômage. À la fois polar, chronique sociale et comédie, La raison du plus faible ancre ce fait divers dans le quotidien de quatre amis d’un petit quartier de la ville, quatre hommes représentant autant de déclinaisons de virilités blessées : un handicapé, un vieux retraité, un jeune surdiplômé devenu gardienne de son enfant et un ex-prisonnier en probation. Colmatant leurs crises individuelles, les membres du groupe songent à la méthode forte pour remédier au désespoir rongeant leur amitié. Entre la misère immédiate et la prison, reste le risque d’une vie meilleure. Les braqueurs amateurs mettent à exécution leur plan de fortune qui virera rapidement au drame communautaire télévisé lors d’une finale aussi spectaculaire que poussive.
Les qualités manifestes de La raison du plus faible ne manquent pas, l’aisance de ses acteurs et la précision de ses dialogues en tête, mais sont flouées immanquablement par une charge prêchi-prêcha sur la condition ouvrière à la fois maladroite et accessoire, et son ton hésitant, égorgé par sa volonté d’inclusion de genres tous manipulés en mode mineur, sans dépassements. Reléguant sans réelle autorité son discours sur la banquette arrière, Belvaux nous dit peut-être que la camaraderie, même hors de l’usine, mérite d’être vécue avant que l’instinct de survie n’emporte tout. Une fois de plus, de la noblesse naît le tragique…
© 2007 Charles-Stéphane Roy