lundi 16 mars 2009

Critique "Man on Wire"


MAN ON WIRE
de James Marsh
2008
Paru dans la revue Séquences

Après avoir fouillé une Amérique de misère dans Wisconsin Death Trip, l’Anglais James Marsh survole les hauteurs de Manhattan avec son documentaire consacré aux exploits du Français Philippe Petit, le funambule ayant conquis de manière parfaitement illégale les tours du World Trade Center de New York en 1974. À la manière d’un thriller, Man on Wire reconstitue avec une étonnante quantité d’archives photographiques et vidéo cet exploit hors du commun, qui relève autant de la performance digne du Livre des records Guinness que du ‘terrorisme’ artistique.

Au-delà d’un fait d’arme qui ne pourrait plus être reproduit aujourd’hui, Marsh tire profit de la personnalité intrigante d’une sorte de gourou verbo-moteur au service du beau et du bonheur, et dévoile au grand jour un art méconnu, le funambulisme, habituellement confiné aux cirques entre l’homme-canon et les cerceaux enflammés. On se dit que l’homme n’aurait pu sévir que durant les années Nixon, à voir ainsi sa cour baba-cool faire autant des pieds et des mains pour l’aider à concrétiser ses rêves et faire de cette pratique une apothéose de l’éphémère.

Tiré de l’autobiographie « To Reach the Clouds » publiée récemment par Petit, Man on Wire opte une facture un brin mécanique qui réfrène parfois l’élan poétique qu’a tenté d’insuffler le clan Petit dans leur démarche. En dépit de ses talents manifestes de conteurs et sa gestuelle fort évocatrice, l’omniprésence de Petit dans le film, imposée par le funambule aux producteurs lors des négociations des droits d’adaptation, amplifie davantage l’ego d’un passionné du vide dont l’emprise (passée) sur ses acolytes, qui ont tous accepter de comparaître devant la caméra de Marsh, et leur éventuelle distanciation avec lui, laisse le spectateur dubitatif quant à l’implosion immédiate du gang une fois accomplie la bravade new-yorkaise.

Ultimement, le spectaculaire l’emporte sur le cinéma, et on s’étonne que les archives inédites parviennent à procurer les frissons et l’extase recherchés bien plus que les interventions narratives du réalisateur.

© Charles-Stéphane Roy 2009