mercredi 23 juillet 2008

Critique "Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull"


Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull
de Steven Spielberg
2008
Paru dans la revue Séquences

Indy l’extra-terrestre

Il faut croire que la dernière croisade de l’archéologue le plus casse-cou ne constituait pas son ultime aventure : près de vingt ans plus tard, Indiana Jones est devenu un papy dépassé par le nucléaire, les Russes, son doyen et ses propres rhumatismes. Heureusement qu’il manie plus habilement l’humour que le fouet...

L’époque est aux remakes, et voilà que Georges Lucas en rajoute. Après avoir baratiné trois antépisodes à sa trilogie Star Wars, le rancher multimillionnaire ne semble pas vouloir faire de jaloux et dépoussière Indiana Jones, son autre monument, dont il partage la paternité avec Steven Spielberg, qui s’est prêté de nouveau à l’exercice par amitié pour son vieux complice.

Dès les premières minutes – ou plutôt les premières poursuites – d’Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull (un titre aussi 50’s et sexy qu’Attack of the Clones), il n’y a plus de doutes que le filon, avec son fétichisme des machines et de l’époque pré-hippie, l’humour à rabais et le schématisme des personnages, doit plus aux fantasmes du mécano d’American Graffiti que ceux du magicien de l’Ohio.

Rapatriant les services des essentiels John Williams, Ben Burtt et Frank Marshall, la joyeuse fratrie repart à l’aventure, malgré l’archaïsme de la démarche à une époque où Benjamin Gates, Lara Croft et autres héritiers s’arrachent désormais les merveilles historiques.

Mais l’archaïsme n’était-il pas le maître-mot de la trilogie originale, une ode sentimentale aux serials des années Eisenhower et aux grands mythes de jadis, alors que le monde d’alors et le nôtre n’en finissaient plus de crouler sous le cynisme et la perte de ses valeurs ? Incidemment, Raiders of the Lost Ark vit le jour en plein retour de la ferveur républicaine et du Reaganisme ; impossible alors de ne pas faire de lien avec le no. 4 et la consolidation actuelle des pouvoirs de la droite sur la psyché américaine, et dans le monde.

Dans Kingdom of the Crystal Skull, les Communistes ont remplacé les Nazi des épisodes 1 et 3 et notre héros, qui vient d’entrer dans le temple maudit de la soixantaine, peine à s’imposer dans un monde où règnent le rock’n’roll naissant, l’angoisse atomique, les voitures chromées et les balbutiements du culte de l’adolescence.

Pas étonnant que Indy accepte illico la compagnie du jeune et fringant Mutt Williams lorsque vient le temps de mettre le cap sur l’Amérique du Sud à la poursuite de l’Eldorado, qui serait lié au secret d’Area 51, où on rapporte la visite d’extra-terrestres… Rien de mieux qu’un peu de jeunesse pour préserver ses vieux jours après d’innombrables poursuites, bagarres et cascades sans répit !

Curieusement, au-delà de sa redite esthétique et le souci de ses effets visuels à l’ancienne, les scènes les plus efficaces de Kingdom of the Crystal Skull demeurent celles où l’humour parvient à s’imposer, surtout durant les scènes d’action, une formule qui fait encore école. Ni pince-sans-rire, ni tombeur et encore moins intellectuel froissé, Indiana Jones sait toujours aussi bien manier la réplique pour mieux envoyer au tapis ses adversaires et au lit ses partenaires. Le nerd au look viril, cartésien acrobatique à ses heures, ne peut toutefois plus compter sur un scénario à sa hauteur, quand bien même une pléthore de tire-plumes et une attente quasi biblique précéderaient la production de cette nouvelle addition à une série qui fut déjà plus exaltante.

Même si de valeureux efforts dramatiques tentent d’enrichir un tant soi peu l’intimité du héros, ce 4e chapitre essaie à tort de recréer la magie de la trilogie des années 1980 en remettant au menu des personnages évanouis en cours de route (dont l’ancienne flamme Marion, complètement dégriffée et anecdotique), un MacGuffin plus impossible à avaler que jamais et l’habituelle panoplie d’embûches déjà enjambées par l’aventurier de ces dames, de la peur des serpents à l’invasion d’insectes rebutants.

Le film devient rapidement la surenchère d’un modèle qui, bien que simpliste, avait toutefois fait date, sans désir aucun de revamper la proposition originale. Il faut alors applaudir l’influence du tandem Lucas-Spielberg pour attirer des acteurs bétons dans ce «film fait pour les vieux fans et les profanes de la génération DVD» (dixit Harrison Ford), dont l’homme au chapeau lui-même et son sens ressuscité du timing comique, mais aussi les nouveaux venus, Cate Blanchett et son irréprochable Tigresse de Sibérie en tête, tout comme le jeune prodige Shia LaBeouf et l’impayable trio anglais Ray Winstone, John Hurt et Jim Broadbent.

Avant que Indy ne passe complètement pour une vieille relique, on hésite encore sur l’identité de sa prochaine destination : l’Atlantide ou l’hospice ?

© 2008