lundi 15 juin 2009
Critique "Tyson" de James Toback
TYSON
de James Toback
2009
Paru dans la revue Séquences
Un matamore dans les câbles
Iron Mike, maniaque parmi les maniaques? C’est ainsi que plusieurs pouvaient juger l’ex-boxeur Mike Tyson avant la sortie du curieux documentaire que signa son ami James Toback, durant sa propre cure de désintoxication. Sujet d’embarras pour le sport professionnel et figure intimidante pour quiconque osant s’en approcher sans précaution, Tyson s’est lancé dans cette entreprise avec la même candeur qu’on lui a attribué tout au long de ses apparitions publiques, pour se livrer avec son zozotement légendaire à une entreprise discutable, entre le règlement de comptes (avec les journalistes, ses ex-femmes, les parasites l’ayant dépossédé de sa fortune et le milieu de la boxe en général) et la repentance, l’autoglorification et la reconnaissance de sa soif d’absolus (athlétiques et sexuels, notamment).
Après plusieurs années d’absence, le bad boy rangé – il entretient une demi-douzaine de marmots ! – revient ainsi devant les projecteurs qui l’ont hissé autrefois au sommet de sa popularité; Tyson, il faut bien le rappeler, fut le seul boxeur à l’exception de Muhammad Ali à fasciner la presse et le grand public qui ne s’intéresse jamais d’ordinaire à ce sport. Celui qui se considérait plus comme un ‘entertainer’ qu’un athlète professionnel avait déjà l’habitude de troquer le ring pour les plateaux de tournage, avec Toback notamment, mais en jouant surtout son propre rôle lors d’apparitions dans les émissions de télévision telles que Who’s the Boss?, à Crocodile Dundee in Los Angeles et la comédie The Hangover.
La vie et la carrière de Tyson furent tellement médiatisées que le présent témoignage n’apporte ni de nouvelles informations, ni de nouveaux éclairages sur ses exploits comme sur ses méfaits. Ce qu’on ne soupçonnait moins, c’est cette verve qui, à défaut de véhiculer un discours cohérent, est capable d’alimenter sans jamais s’essouffler une succession de dissertations vertigineuses sur la vanité, la détresse, la rage de ‘détruire’ son adversaire au lieu de simplement triompher de lui; et, à l’image de son débit, une peur cruelle de ralentir, de réfléchir ou gloser trop longtemps sur la portée de ses actes, comme si s’arrêter, c’était mourir.
Tyson ne s’arrêtera donc jamais, même si cela signifie perdre famille, amis, argent, respect, santé, morale ou raison. Cet effrayant constat, qui va par-delà le simple sursaut de lucidité, n’excuse ni ses égarements, ni la relative honnêteté de la réalisation de Toback, mais ne constitue pas moins un prétexte valable afin d’avouer une fois pour toutes notre fascination envers ces bêtes de cirque dangereuses et mégalomanes, même longtemps après qu’elles se soient fait passé leur dernier K.O.
© Charles-Stéphane Roy 2009